Thursday, 14 January 2016

Kippa or not Kippa (in french)

En Europe comme en Israël, des juifs se font poignarder parce qu'ils ont l'air juifs.
Pas parce que l'Europe est terre musulmane (a priori) ou parce qu'ils soutiennent Netanyahou (en pensée c'est irrationnel, en paroles c'est incendiaire, en actes c'est impossible).

Certains appellent à porter la kippa par solidarité.
Le roi du Danemark avait porté l'étoile jaune face aux nazis et c'était un beau geste, alors pourquoi pas la kippa face aux porteurs de machettes?

Regardez autour de vous: c'est courage, fuyons.
Les autojustifications sont d'autant plus immondes qu'elles consistent à jeter la pierre aux victimes.

Je me sens définitivement plus proche là-dessus de Joan Sfar et Caroline Fourest que de Laurent Sagalovitsch et Emmanuel Todd (l'horrible...).
Caroline Fourest est touchante, Joan Sfar est très drôle et pertinent, Laurent Sagalovitsch est égocentriquement méprisant, et Emmanuel Todd confirme sa dégénérescence intellectuelle et morale prêt à rejoindre Rony Brauman et Eric Zemmour du côté obscur de la force.

Une infime minorité de juifs portent la kippa dans la rue, fusse la rue des Rosiers. La plupart sont des rabbins ou des quidams à l'occasion d'une fête religieuse ou familiale ou d'une commémoration. En faire des provocateurs, c'est avoir ses "juifs imaginaires", et on aura vu que les juifs athées et agnostiques (Sagalovitsch, Brauman...) en ont aussi. Je ne vois pas pourquoi on ne tolèrerait pas rabbins et signes de religion dans le cadre de fêtes religieuses, en tolérant qu'ils soient agressés pour ce qu'ils sont, des "juifs imaginaires" évidemment, mais des humains bien vivants jusqu'à leur mort (une lapalissade ne fait pas de mal de temps en temps, ça allège l'atmosphère...).
 
Les assassins ne se différencient guère des eugénistes pro-aryens. Ce sont les mêmes qui en Israël poignardent des femmes enceintes, de jeunes mères devant leurs enfants, ou égorgent des familles jusqu'aux nourrissons (et sont "béatifiés" pour ces "hauts" faits, contrairement aux criminels sans motifs religieux ou se réclamant de religions qui ne les réclament pas, le judaïsme notamment).
 
Quant à porter la kippa en solidarité...
Pourquoi est-ce que ça fait bondir?
Quels sont les "juifs imaginaires" de ceux qui bondissent?

La kippa, c'est un couvre-chef minimal symbolisant le fait qu'on ne souhaite pas polluer la vue du tout-puissant, s'il existe, avec des pensées négativement humaines, ou amortir le coup de tonnerre qui risque de s'abattre en réaction. On peut poser la main sur la tête, à défaut - il faut juste un "plafond", une limite.
Pour reconnaître qu'il y a quelque chose au dessus de l'humain. Quelque chose qui fait qu'on n'arrive pas à vaincre la mort, par exemple.
Pour reconnaître qu'on n'est pas au sommet de la hiérarchie du vivant, tout-puissants, avec tous les droits.
Ce qui est au-dessus est inconnaissable: grand horloger de l'univers, mère-nature, voie lactée, ordre des choses ou destin, peu importe.
L'humilité, c'est connaître sa place dans le monde et l'histoire, accepter de ne pas savoir certaines choses, admettre qu'on peut offenser, à tort ou à raison. Pas forcément connaître sa place, mais admettre l'utilité de la chercher/forger sans tout casser....
 
La kippa est un symbole minimal qu'on retrouve même au Vatican, c'est dire.
 
Non, ce n'est pas l'équivalent du voile ou de la perruque, comme je l'ai entendu dire ou lu sur facebook, notamment de la part de musulmanes souffrant de gros problèmes de "juif imaginaire": il ne s'agit pas de ne pas tenter l'homme. On ne demande à personne d'imiter ces stupides suédoises qui mettaient un voile sur leurs photos FB pour lutter contre l'islamophobie en cautionnant l'oppression des femmes.

Il n'est pas illégal ou anti-français de porter un couvre-chef. Mon fils a cassé sa coiffe d'indien, sans quoi je la lui aurait empruntée, suivant une idée puisée chez Yoann Sfar et non une injonction imaginaire.
A défaut, une kippa... On peut être solidaire des rabbins et des gens qui vont à la synagogue, qu'on soit croyant ou pas, sans abdiquer quelque liberté que ce soit.
Ce sont des frères humains.
Et avis aux non-religieux/religieuses ou non-juifs/juives qui craindraient de commettre un blasphème: le judaïsme ne traque pas le blasphème, même chez les juifs (voir Irvin Yalom sur Spinoza, si on a peur des ouvrages académiques et des essais manipulateurs), et il y a aussi des femmes rabbins. Elles ne portent ni voile ni perruque. Elles sont plutôt féministes (voir Yentl d'I.B. Singer, si on a peur des ouvrages académiques).



La solidarité, il en faut un peu, pour des victimes non imaginaires.

Il faudrait réfléchir un minimum avec un minimum de sérieux.
Nul ne réclame le port de la kippa à titre exhibitionniste, sauf peut-être Meyer Habib, par pur opportunisme politique, ni la kippa à l'école, dans la fonction publique, etc. Mais l'interdire aux rabbins, dans le cadre des fêtes ou commémorations, même à leur lisière, c'est aller très au delà de la limitation de l'expression religieuse, c'est toucher à la liberté d'opinion religieuse et d'exercice religieux. Et c'est parfaitement discriminatoire, dans une société de plus en plus permissive face à l'islam. Dolce et Gabbana font des niqab, Arena et Speedo des maillots de bain intégraux, avec voile plus ou moins occultant. On n'en demande pas tant. Si on pouvait seulement encore faire du seins nus à Deauville, là où on ne risque pas trop le coup de soleil...

Références:
Quelques dessins de Yoann Sfar sur la kippa et l'agression de Marseille (il y en a beaucoup d'autres, excellents, du même): ici
Blog de Sagalovitsch: chercher sa bêtise sur la kippa - Rony Brauman, Eric Zemmour, sortez de ce corps: ici
Sur le problème Spinoza d'après Irvin Yalom, ici entre autres
Yentl pour les nuls,.
Sortir du jeu de l'empathie prioritaire: réaction remarquable du rabbin Delphine Horvilleur sur le Monde.

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