Le cirque Pinder était de passage pendant les vacances scolaires.
Il succédait ici aux cirques Cancy et H. Zavatta… Dans la forêt des cirques ambulants
français traditionnels, Pinder, Bouglione, Médrano et Arlette Gruss sont des
valeurs sûres. Arlette Grüss est certainement au sommet, en maintenant
tradition et ambition artistique. La fille d’Alexis Grüss et sœur de Lucien
Grüss, grands dresseurs de chevaux parmi les grands dresseurs, ne pouvait pas
faire moins. Son fils Gilbert poursuit la grande œuvre, la synthèse originale
et renouvelée chaque année du cirque familial avec ses personnages historiques
et ses chevaux, et du cirque dit moderne, centré sur des performances tant artistiques
qu’athlétiques, la musique, les costumes… Pinder est presque synonyme de cirque
populaire, en comparaison. Pour la première expérience circassienne d’un bambin
de 2 ans et demi, cela semblait être un honnête début. En effet, je ne souhaite
pas m’arrêter là. Mon fils regarde depuis des mois un dvd du cirque Pinder de
préférence à Trotro et Chapi-Chapo (il est grand, dit-il), à Papivole et même Saturnin… Non,
il ne vit pas dans un passé lointain, il ne revit pas l’enfance de ses parents.
Il préfère aussi ce dvd aux collections de courts-métrages de Arte éditions.
Pas de télévision ici, on ne maîtrise pas le temps d’écran et on ne peut pas
censurer ces abominations de publicités destinées à nos innocents chéris, si
aptes à se changer en tyrans domestiques, voire en bourreaux de parents.
J’avoue, je suis sensible aux arguments des militants pour
un cirque sans animaux. Je n’adhère pas au mouvement, cependant.
Les cas de
maltraitance d’animaux se sont raréfiés, les grands cirques ne peuvent pas se
permettre de scandale éthique. Bien sûr tout n’est pas transparent, un cirque
est toujours plus ou moins un microcosme ; et bien sûr, le public des
médias n’est pas dans sa majorité demandeur de scandales sur le monde du
cirque, pour des raisons d’harmonie familiale. Loin de moi l’envie de visiter
une ménagerie, de voir et montrer à mon bambin des animaux en prison dans des wagons
ou enclos exigus et vides. Heureusement que leur vie ne se résume pas à cela,
qu’il y a des interactions, des soins, des entraînements et des jeux. J’espère
qu’on leur assure une retraite plus que correcte. J’ai rêvé, enfant d’être dompteuse
de fauves, avant de rêver d’être réalisatrice, écrivain, rabbin, psychanalyste
et cornac à mes heures perdues. Le domptage m’intéresse moins désormais. Le
rapport de force et l’apprentissage de tours, j’y verrais du temps perdu. Les
fauves sont beaux à voir, à condition de ne pas se placer dans la relation
prédateur-proie ; l’idéal serait un autre type de relation. La relation
entre intelligences différentes me semble importante, ne me demandez pas
pourquoi.
C’était sans doute l’un des éléments principaux que je voulais
montrer à mon fils : des relations entre humains et animaux. Je souhaitais
qu’il voie collaborer des animaux et des humains, qu’il voie un travail bien
fait, du respect et des récompenses, qu’il sente l’odeur des animaux et les entende
barrir ou blatérer.
Grosse déception : il n’y avait pas de
chevaux, de singes ni de tigres. Un cirque sans cavalerie, n’est-ce pas un peu
hérétique ? Sur notre DVD, Sandra Edelstein travaillait avec les chevaux.
Pour une juriste, elle s’en sortait bien. Un DEA de droit privé en poche, elle
avait lâché la préparation de l’école de la magistrature pour le dompteur. On
la comprend un peu. Comme ce dernier était le fils du gérant, la belle a reçu
en douaire 8 étalons arabes et des leçons d’un dresseur italien. Disparus,
Sandra et les chevaux. Frédéric Edelstein a une nouvelle « princesse ».
Les guenons et leur dresseur étaient également absents. Ce n’était peut-être
que provisoire, ou ils se produisent en alternance avec d’autres... Les
chameaux avaient de nouveaux partenaires de jeux à la place du yack et du zèbre ;
il m’a semblé identifier fugitivement des poneys fjord et une vigogne, mais j’étais
en train de reconstituer le contenu d’un sac de goûter sous les gradins. Les
tigres ont surtout manqué à mon gros lecteur du « Livre de la jungle ».
Les lions blancs ne l’ont pas effrayé, ils se faisaient des bisous. Je ne sais
s’il faut se réjouir de l’élevage de lions blancs. A l’origine il s’agissait de
lions albinos ; ils sont en train de devenir une race du fait de l’intervention
humaine – comme toutes ces races de chiens, chats, chevaux, bovins et ovins…
Que fait-on dans les élevages des lionceaux pas assez blancs ou de ceux qu’on n’arrive
pas à caser à l’âge où ils peuvent être dressés, ou dont les zoos ne veulent
pas pour raisons de consanguinité ? Euthanasie comme pour Marius le girafon
danois ? Abattage comme dans les élevages de chevaux frappés par la crise ?
On a l’impression que le cirque aime ses animaux. Frédéric
Edelstein a adopté des bébés tigres rejetés par leur mère. Son père avait participé
à la défense des éléphantes Baby et Népal, pensionnaires au parc de la Tête d’Or,
lorsque les autorités voulaient les faire euthanasier pour suspicion de
tuberculose. Mais les animaux de cirque, ça tourne… Est-ce que Baby et Népal ont été remplacées à
la suite de l’accident qui a fait renoncer Sophie, la sœur de Frédéric
Edelstein, aux numéros avec elles, je me le demande. Comment un éléphant
gère-t-il le deuil, la culpabilité ou la vieillesse ? Un éléphant peut-il
philosopher ?
Ce qui m’étonne encore, malgré mes lectures philosophiques, est
le fait que la princesse Stéphanie de Monaco demande des dons pour entretenir
les éléphantes.
Pour le reste du spectacle, on voit l’influence « Incroyable
talent » et « magie à Las Vegas », les effets de mode pas très
chic. Les trapézistes les Flying Michaels sont partis, il n’y avait plus d’acrobates-contorsionnistes
africains étonnants… d’autres, latino-américains, leur ont succédé. On dirait
que les Européens ne font pas l’école du cirque, ou s’ils la font, n’aiment pas
trop les prises de risques, ou ont surtout des ambitions médiatiques, ou
outre-atlantique. Les enfants sont tout de même enchantés, et les parents peuvent
zyeuter bimbos et apollons. Mais vivement le passage du cirque Gruss et du
Cadre noir de Saumur.
Sur le personnage intéressant de Frédéric Edelstein:
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