Dépêchez-vous d'aller voir l'exposition du Carré Sainte-Anne, qui ne durera que jusqu'au 27 avril (entrée gratuite, du mardi au dimanche de 10 à 13h et 14 à 18h, avec 3 visites guidées hebdomadaires gratuites). Ne m'étant pas dépêchée, je suis bonne dernière, à ce jour, à en rendre compte parmi les blogueurs.
Pas de jalousie, le second blog rival qu'il m'ait été donné de consulter semble issu d'une classe de CE1 (voire grande section de maternelle, dictée à l'adulte après visite).
Désolée ma jolie, tu es trop jeune pour m'intéresser.
Un autre n'est pas mal... un connaisseur, Jean-Luc Cougy.
Mais je ferai à ma façon.
L'église Saint-Anne est, avec sa flèche à 69 mètres du sol, l'un des 3 monuments montpelliérains que l'on aperçoit des collines du nord, des étangs du sud, et d'ailleurs. Les deux autres sont le château d'eau du Peyrou et le Sofitel du Triangle, qui abrite la librairie Sauramps.
Ce repère essentiel (certains l'appellent l'aigrette de Montpellier, affirme M. Kempenar) est une église néogothique construite à la fin des années 1860 sur les plans de Jules Cassan, et sur les ruines d'une église du XIIe. Les vitraux qui auréolent d'une lumière si vive et colorée les œuvres exposées viennent du maître verrier Pagès. L'église a été désacralisée en 1993 (mais on installe en décembre une crèche sous le porche, et il s'y tient une foire aux santons) est devenue le Carré Sainte-Anne, un espace culturel devenu centre d’art contemporain en 2011. Carré? Sans doute une référence moqueuse et ambitieuse au Carré d'art de Nîmes, musée d'art contemporain inauguré en 1993 dans un bâtiment de Norman Foster face à l'antique Maison carrée (temple édifié au début du Ier siècle de l'ère chrétienne et dédié alors à l'empereur Auguste).
Rien ne naît de rien.
Depuis 2011, le directeur artistique du Carré Sainte-Anne est Numa Hambursin, ancien galeriste, fils et époux de galeriste. Fort de son expérience, de ses compétences et de ses connaissances, il a choisi d'imposer une ligne empreinte de subjectivité: choix pertinent en art contemporain. Il travaille avec un comité artistique solide: le collectionneur d’art François Bebing, le peintre Vincent Bioulès, le directeur du musée Fabre Michel Hilaire, le critique d’art Richard Leydier, le chargé de mission arts plastiques à la Ville Dominique Thévenot et le nouveau directeur de la Panacée Franck Bauchard. Les projets d’expositions sont produits par la Direction de la Culture et du Patrimoine de la Ville de Montpellier. Parmi les grands noms invités, on cite traditionnellement Desgrandchamps, Pagès, Di Rosa ou Ocampo...
Reflexion bird, Cédric Eymenier (vidéo, collection LG) |
L'exposition en cours fait suite, avec quelques mois d'écart, à son aînée, L’œil et le cœur #1. Toutes deux rendent hommage aux collectionneurs montpelliérains méconnus. Les musées rendent hommages aux auteurs des collections qu'ils ont reçus, Fabre, Bruyas, Atger... Il était tentant de proposer aux autres d'exposer leurs biens. La première exposition, éclectique et hétéroclite, n'était pas sans rappeler les musées de curiosités. Celle-ci est cohérente, et révèle davantage des goûts et univers des quatre figures montpelliéraines (pour l'essentiel anonymes) qui ont accepté d'y participer.
Décision intime et difficile, comme l'exprime bien le commissaire artistique à travers cette citation de Jean Baudrillard: "Collectionner, c'est collectionner une part de soi-même".
Ne vous laissez pas berner par le bel oiseau... Ce n'est pas un trophée, c'est une vanité. Il appartient à la collection L.G. (Laurent Goumarre). Impossible de résumer, mais vous trouverez dans celle-ci les thèmes de l'instant et de l'éternité, du corps et de la mort. Vie, amour, organique, vanité des vanités.
On y trouvera des photographies d'Hervé Guibert. Ce ne sont pas les plus grands formats, ce ne sont pas les œuvres les plus frappantes. Et elles sont en noir et blanc. Dans ces photographies, la lumière, voilée, est plus sujet que les objets. Qui a aimé l'écrivain, le photographe, qui a aimé son visage et aurait pleuré de le voir abîmer, violenter par ce Dracula des années 80-90, le sida, pensera: Vanité. Outrages du temps, outrages du virus, outrages de la vie.
Solitaire, Hippolyte Hentgen |
La poire, Laurent Goumarre |
Collection Tranber (Bertrand?): du street art hors rue, des toiles ou œuvres en 3 dimensions d'artistes désormais reconnus et exposés en galeries.
Une toile à 4 mains, par Koralie et Supakitch |
Supakitch |
Hommage amusant et pas très profond au "Bonjour Monsieur Courbet", de Courbet, 1854, Musée Fabre (collection Bruyas: le Barberousse du tableau).
On n'entre pas dans le bureau. Le street art se protège des vandales et taggeurs irrespectueux... |
Éclectisme... excessif? Claude Viallat et Jérôme Mesnager, Polar et Smole...
Nous étions avec un fondateur (Mesnager), continuons avec Jef Aérosol...
Puis Mystic et Space Invaders...
![]() |
Billets de banque peints par Monsieur chat (haut et bas) et Tilt (milieu) |
C215, pochoir sur ancien échiquier |
Autre style, chez un autre jeune collectionneur, "Fernand": choc des cultures, choc des couleurs... une petite collection (12 pièces) percutante. Hommage à Miles Davis au gant de boxe par Samuel Fosso, homme à terre de Mark Jenkins, la série dans laquelle une photographe yéménite transfère un voile d'une femme à un homme, et ce tableau de Yaze, où l'on pourrait voir une jeune femme épuisée brodant... ou une allégorie des fillettes employées à la confection des tapis marocains, ou des tissus 'cheap' qui les voileront à leur mariage...
Yaze, untitled |
Boushra Almutawakel, What if? |
Mark Jenkins, Drop out |
De haut en bas, puis de gauche à droite: Doze Green, Midnight of the Corrosion of conformity; Jonone, Out out; Mist, Blue Eye Debil. |
Doze Green: Madeleine de Marseille (haut) et Listen-Money |
Sur ce, entrons au musée... pas ou peu d'inconnus chez Jacques Arnaudiès. Ce psychanalyste et pédopsychiatre a côtoyé, lors de ses études dans les années 60, les artistes locaux. Il a l’œil et les moyens. Ben, Alain Clément, Claude Viallat, Daniel Dezeuze, Pierre Buraglio, Simon Hantaï, Yves Rénier, Franck Stella, Louis Cane, Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin, André-Pierre Arnal, Alain Clément, Robert Combas, Martial Raysse, Vincent Bioulès... Impossible de les énumérer, malgré des fidélités.
Supports/surfaces, ABC Productions, révisons notre histoire de l'art.
Académique? Que non.
On s'interroge sur la présence d'un Derain, sur les liens avec la collection LG (photographiques notamment). Le "Je suis triste" de Ben donne envie de parler, sur un divan, au dessous d'un Pincemin. Le Bernard Piffaretti, c'est la scène de la douche de Psychose. La couleur ment, en donnant une impression d'épicurisme. On est chez les nouveaux Fauves. Et que dire du baiser entre JC et Mickey - le baiser de Juda? (par Taroop & Glabel), ou de la lyre, forcément orphéique, qui pète sur la tombe de marbre noir d'un poète (par les mêmes)? Des nœuds gorgiens d'Alain Clément?
Bienvenue chez Freud.
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