Thursday, 8 May 2014

Les Juifs de Montpellier au Moyen-âge



On ne remerciera jamais assez les quelques Historiens et Archéologues qui, loin de nous gaver de mythes politiquement utiles ou dans l'air du temps pour faire la couverture des magazines ou monter sur les plateaux télévisés, nous montrent où nous (en) sommes. Quelques-uns s'intéressent à l'histoire des Juifs d'Europe, sans pour autant chercher à démontrer la véracité de contes sur les meurtres rituels (pages Facebook récurrentes...).
Les "jewish studies" sont loin d'atteindre la popularité des "gender studies", mais sont bien plus contestées et marginalisées... en dépit de la quantité d'éléments dignes d'étude, de la qualité des universitaires intéressés, et des enjeux modernes: il n'a jamais été politiquement correct de relever ou de déplorer la présence de l'antisémitisme. Ni de dire que de "grands hommes Français" (ou grandes dames!) étaient, accessoirement, juifs. Comme s'ils en étaient moins français...



Montpellier, cependant, s'enorgueillit de l'ancienne et intellectuellement riche culture juive dans la région. Une belle exposition thématique a été donné l'occasion, en 2010, de présenter le makhzor (recueil liturgique) de la fin XVIe s. ou du début XVe s. acquis en 2008 par les archives municipales car originaire de Montpellier. Et la visite du mikvé (bain rituel) datant de la fin du XIIe s. ou du début XIIIe est au menu de nombreuses visites organisées par l'Office de tourisme - hors périodes de fouilles archéologiques.

Des familles ou communautés juives ont pu s'établir dans la région dans l'Antiquité. Ce ne sont pas elles qui ont laissé la maison carrée de Nîmes, voici (presque) tout ce qu'on sait. La présence juive à Montpellier au Moyen-âge est plutôt liée à la diaspora séfarade, aux Juifs qui ont fui la Palestine (nom donné par les Romains à leurs provinces de Judée, Galilée, etc.) après la destruction du second temple, en direction de l'Espagne, s'arrêtant avant ou après l'avoir atteinte. D'importantes communautés juives ont existé dans l'Espagne musulmane, et se sont réduites du fait des persécutions almoravides (1086-1146) et almohades (1146-1228). Si Placentin, juriste originaire de Plaisance (Italie) est l'un des premiers enseignants du Droit de Montpellier, des médecins juifs figurent parmi les premiers enseignants de Médecine: Isaac ben Abraham (vers 1200), Meschulam (XIIe), Shem tov ben Isaac... Quant à Bienvenu de Jérusalem (fin XIIe), je ne sais pas. 





Riches heures, hum, c'était le Moyen-âge.
Guilhem VIII, seigneur de la ville, avait autorisé les médecins de toutes origines à enseigner la médecine. Les Juifs étudiaient et traduisaient volontiers les ouvrages "profanes", à savoir scientifiques (d'Euclide, Hippocrate, Aristote, Avicenne, Averroès, Maïmonide...), en dépit de houleux débats parmi les autorités religieuses juives.
Lisez à ce sujet le bon article de Michaël Iancu, Les raisons du cœur et de l'intelligence!
Il faut dire que, ne pouvant cultiver la terre ni entrer dans les corporations ni accéder aux postes administratifs, il s'occupaient comme ils pouvaient.
De plus, ça n'a pas duré longtemps. Philippe le Bel, dit le Faux monnayeur (il battait monnaie pour remplir ses caisses), a condamné les Juifs de France au bannissement en 1306, récupérant leurs biens - juste avant de s'attaquer aux Templiers pour leur trésor. Philippe le Bel avait été le premier roi de France à acquérir des droits directs sur Montpellier, plus précisément sur la partie nommée Montpellieret, en 1293. Les Juifs de France furent rappelés en 1315, renvoyés en 1322, rappelés en 1360 et définitivement bannis en 1394 - les Templiers avaient été quant à eux massacrés. Les Juifs montpelliérains trouvèrent pour certains refuge dans le comtat venaissin, devenant "Juifs du pape" (avec droits restreints, rouelle, voile cornu...) jusqu'à la Révolution.

Le mikvé redécouvert à Montpellier en 1985 est l'un des plus anciens et mieux conservés d'Europe, avec ceux de Speyer (Allemagne, 1128), de Sopron (Hongrie, vers 1300), Besàlu (Espagne), Bischheim (Alsace). On a découvert qu'il faisait partie d'un ensemble synagogal, avec maison d'étude et maison de l'aumône. Un document en 2 parties le présente (P1, P2).




Le Makhzor, lui, est contemporain de l'expulsion définitive des Juifs du Royaume de France par Charles VI (1394). Laurent Héricher, directeur du Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme de Paris, lui a consacré une conférence en 2012, que l'on espère bientôt trouver en ligne sur le site Akadem. 


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