Ce matin, feuilletant chez des amis un très beau recueil de poèmes, j'ai été frappée par des vers sur la mort approchant, la mort se faisant. Il s'agissait d'un livre de Matiah Eckhard-Elial, "Lointains chants sacrés d'où je suis né" (éditions Euromédia, 2014... illustré de sept peintures d’Angela Biancofiore). Matiah: poète sensible, excellent musicien, et tout jeune homme récemment enlevé aux siens, à la vie, à l'art, à l'avenir. Son livre était présenté à la Comédie du Livre sur le stand de la librairie Scrupules, et un concert en son honneur a eu lieu hier soir, à Prades, avec le Freemind Orchestra.
Ce matin, deux personnes de ma connaissance se sont éveillées sans mère. Un jour de fête des mères. Là, je me fiche bien de savoir que c'est une fête pétainiste (selon Côme de Grandmaison (comment rater sa vie avec un tel nom?), dans Le Point, ""Ta Maman a tout fait pour toi... Le Maréchal te demande de la remercier gentiment." Ce slogan inscrit sur des affiches placardées peu avant le 25 mai 1941 a contribué à tromper l'imaginaire collectif. En réalité, le régime de Vichy n'a pas inventé la fête des Mères, il l'a simplement institutionnalisée en l'inscrivant au calendrier officiel. Ouf !").
Je pense à elles, à leur père...
Ces deux personnes sont trop jeunes pour avoir connu ma première amie de jeux, dont elles auraient été les cousines. Cette amie n'a fait qu'un bref séjour parmi nous, mais m'a tant manqué que mes doudous et amies imaginaires ont porté son nom un très long temps, à l'échelle de ma vie alors. Et voici que je trouve ces mots que j'aurais alors pu faire miens, pages 28-29 du roman "Le cœur de l'homme" de Jón Kalman Stefánsson: "Le gamin hésite et finit par déclarer, donc, vous n'avez pas retrouvé Hjalti, il ose enfin poser la question, car les gens restent en vie tant que nous ne la posons pas, ils sont protégés par le silence, ensuite, quand nous nous mettons à parler, quelqu'un meurt". Le contraire de ce qui peut se passer après, quand la mort est reconnue à défaut d'être acceptée, et qu'il faut éviter qu'ils ne tombent dans les "poubelles de l'histoire" (Serge Klarsfeld).
Aussi nombreux que nous soyons, les fantômes sont plus nombreux.
Déjà, chacun de nous a plusieurs fantômes, et les fantômes sont personnels. Ce sont les êtres invisibles d'autrui avec lesquels on entretient des relations diverses, nostalgie, imitation, amour, détestation. Des projections imposées, des alter-ego... Si le fait d'être fasciné par le surnaturel a quelque chose de malsain (ah, ces histoires de chasseurs de fantômes et de chercheurs d'horrible qui passaient à la télévision... sans regret! Quelle décadence par rapport à
la Quatrième dimension!), être conscient de ses limites est plutôt honorable. La vérité n'est pas forcément ailleurs, la vie n'est pas forcément un rêve, mais si d.ieu existe je suis certaine que nul ne peut appréhender son essence, ni lui donner un sexe, ni connaître sa volonté, ni jouer à le provoquer. L'"âme" ne disparaît peut-être pas avec la mort cérébrale, peut-être se dissout-elle dans l'éther. Le "peuple invisible", les elfes et les trolls, les fantômes des causses, cristallisent aussi, à leur façon, plus que de simples fantasmes ou peurs, ou que la nuit et le brouillard. Les mythes cévenols sont trop proches pour m'attirer, les histoires de fées et lutins sont trop "
kawaii"...
Non, restons-en aux mythes et légendes scandinaves, en évitant le détour hystéro-hitléro-wagnérien (Walhalla & ss), le détour hard-rock, le détour métal, le détour gothique... La survie du vieux fonds animiste est peut-être liée à la longue nuit d'hiver, aux tempêtes de neige, à la dépression saisonnière, aux vapeurs d'alcool, elle est aussi jolie, et pas si sotte, en ce qu'elle nourrit l'idée d'un univers partagé, et à partager; de droits à respecter; d'une planète où l'homme n'est pas roi.
Depuis deux millénaires au moins, il semble qu'on balance entre fantasme de la raison toute-puissante (Haut-empire romain, renaissances et siècle des lumières) et soumission fanatique mais tout aussi triomphante à l'irrationnel (bûchers, massacres, inquisition, guerres de religion, nazisme, etc.). Ce n'est pas cyclique, tout est plus ou moins simultané. Dans tous les cas, l'empathie et le respect sont exceptionnels. Entre autres crimes quotidiens, agressions et meurtres antisémites ce week-end en Belgique, à Créteil, en Tunisie. L'humanité est malade, même sans OGM et gluten.
La littérature scandinave nous ferait oublier ces maux lorsqu'elle n'en traite pas, nous permet de prendre de la distance quand elle en traite. Les images, les symboles, les représentations, les codes sont neufs. C'est presque les "Lettres persanes"... Tiens, une mythologie peut inclure sa fin (Ragnarök - Richard Wagner et les idéologues nazis n'étant pas les seuls experts autorisés); tiens, ces gens vivent dans un monde "habité" et cohabitent; tiens, les trolls ne sont pas forcément des démons ni les elfes des fées; tiens, sont-ils moins monothéistes que les lecteurs d'hagiographies? tiens, qui sont donc leurs ennemis?
La Comédie du Livre s'est terminée.
Le meilleur cru depuis longtemps. L'édition consacrée à la littérature britannique était réjouissante, mais l'abondance cette année non seulement de bons auteurs, mais d'événements autour du livre, la transforme positivement. Ce n'est plus un simple "événement commercial" patronné par la mairie. Les conférences et expositions avaient de la tenue, il était intéressant et instructif de faire participer les étudiants, malgré les questions interminables qu'ils voulaient faire traduire, avec Radio-Campus, les ateliers de dessin pour enfants semblaient fort passionnants... L'exposition de photographies des
Boutographies a aussi certainement profité de la Comédie...
Seuls petits regrets: les Islandais semblent plus aguerris pour faire face aux étendues solitaires de leur île qu'à un marathon intellectuel mondain. Je ne voulais lire "L'Exception" d'Auður Ava Ólafsdóttir que dédicacée par l'auteur. Elle devait faire sa seconde séance de dédicaces en 3 jours en début d'après-midi. Au lieu de quoi, après un brunch à la Panacée auquel j'ai renoncé pour raisons associatives et familiales, elle a repris l'avion pour le nord.
Je n'ai pas vu davantage Arnaldur Indridason, caché par la foule de fidèles, et enfui sitôt libéré.
Non plus que je n'ai pu prendre de café avec un excellent traducteur et spécialiste, ni avec un excellent libraire et spécialiste. Ce n'est pas tout mais je m'en tiendrai là. Michaël, je me plaindrai directement :-)
Ces déconvenues m'enlèvent quelques scrupules... jamais, autrefois, je n'aurais osé prendre autant de photographies et les publier sur un blog. Cette fois-ci, bah, il fallait que je m'occupe.
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Johanna Sinisalo, éditrices, traductrices et étudiantes... |
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Johanna Sinisalo, éditrices, traductrices et étudiantes... |
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Sara Lövestam, Johanna Sinisalo... |
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Sara Lövestam, Johanna Sinisalo... |
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Jean-Claude Carrière |
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Laure Leen |
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Stian Hole |
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Stian Hole |
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Ptiluc |
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Eric Fottorino |
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Katarina Mazzetti |
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Herbjørg Wassmo |
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Herbjørg Wassmo |
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Atelier BD avec Joanna Hellgren |
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Bergsveinn Birgisson |
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Árni Thórarinsson |
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